Nous avons passé l’après-midi ensemble. Il y avait peu de volontaires et beaucoup de timidité. Au début, j’ai du prendre des photos moi-même. La séance était agréable et tout le monde riait beaucoup, mais les photos étaient banales, lisses, nulles. Je passais une fois encore à côté de l’essentiel : ma position derrière l’objectif, ma simple présence produisaient une interaction qui brouillait tout. Je me sentais de trop. J’ai fini par mettre mon appareil entre les mains de Robin. Ce n’était pas évident, je l’ai un peu forcé. Un peu gêné, il s’est exécuté, comme s’il y avait quelque chose d’impudique à exprimer sa vérité de ce côté-ci du mur, et le voile s’est levé : chacun est revenu à soi, il n’y avait plus de photographe, il y avait une présence qui se détachait du mur blanc et des regards qui en disaient plus long qu’un livre.
Maintenant je sais ce qu’il y a à faire : laisser le temps, laisser faire, ralentir, renoncer. C’est cela que nous, emprisonnés dans nos murs, ne savons plus faire.