Derrière le mur, c’est dehors

En côtoyant régulièrement des personnes dites « handicapées mentales », j’ai réalisé depuis longtemps que ce terme était un mur sans consistance. Mais ça reste un mur, et il y a du monde derrière ce mur. Auteur et photographe amateur, j’ai souvent essayé de capter ce monde à travers mes textes comme mes images. J’ai fini par comprendre que je n’y arriverai jamais. Alors j’ai confié mon appareil photo aux résidents de l’Arche pour qu’ils me donnent leur point de vue.

Nous avons passé l’après-midi ensemble. Il y avait peu de volontaires et beaucoup de timidité. Au début, j’ai du prendre des photos moi-même. La séance était agréable et tout le monde riait beaucoup, mais les photos étaient banales, lisses, nulles. Je passais une fois encore à côté de l’essentiel : ma position derrière l’objectif, ma simple présence produisaient une interaction qui brouillait tout. Je me sentais de trop. J’ai fini par mettre mon appareil entre les mains de Robin. Ce n’était pas évident, je l’ai un peu forcé. Un peu gêné, il s’est exécuté, comme s’il y avait quelque chose d’impudique à exprimer sa vérité de ce côté-ci du mur, et le voile s’est levé : chacun est revenu à soi, il n’y avait plus de photographe, il y avait une présence qui se détachait du mur blanc et des regards qui en disaient plus long qu’un livre.

Maintenant je sais ce qu’il y a à faire : laisser le temps, laisser faire, ralentir, renoncer. C’est cela que nous, emprisonnés dans nos murs, ne savons plus faire.

Philippe

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